Patrimoine

Patrimoine naturel

Un territoire géologique particulier du Causse Comtal

Le territoire de Barriac, à cheval sur les communes de Bozouls et de Rodelle, se trouve sur la terminaison nord de la surface tabulaire du Causse Comtal, marquée par l’incision profonde de la vallée du Dourdou. Ce territoire expose les calcaires et les dolomies massifs qui constituent la surface du causse, aride, et les calcaires marneux fertiles qui se placent sous ces unités, et qui affleurent sur les pentes de l’entaille de la vallée du Dourdou. Ces formations géologiques, qui appartiennent au jurassique inférieur et moyen, se sont déposées entre 200 et 165 millions d’années, dans un bras de mer peu profond qui s’étendait entre le Ségala et le Lévézou au sud et la Viadène et l’Aubrac au nord, et que les géologues appellent le « Détroit de Rodez ».

L’ensemble de ces dépôts marins s’est empilé sur des grès et des argiles rouges, le Rougier, qui, ici, est pratiquement masqué par les alluvions récentes du Dourdou, mais qui est bien visible en aval de Rodelle et en amont de Bozouls, et qui existe partout à la base des autres formations des causses.
Ce Rougier constitue l’étage Permien des géologues, qui s’est accumulé entre 295 et 250 millions d’années. Il s’était déposé dans la dépression qui préfigurait le détroit de Rodez, mais qui constituait un domaine continental, que la mer n’envahit que beaucoup plus tard. D’autres formations, en partie marines (le Trias), se sont sans doute déposées dans l’intervalle de temps de 250 à 200 millions d’années, mais elles ont été enlevées par l’érosion avant le dépôt du jurassique inférieur.

Le territoire de Barriac est affecté de failles, grandes fractures qui découpent toutes les unités géologiques en décalant de grands compartiments de terrain les uns par rapport aux autres, et en mettant en contact, latéralement, des couches qui sont normalement superposées. Ainsi, la « faille de Barriac » comme la « faille de Concourès » mettent en contact les marnes et les calcaires marneux du compartiment sud avec les calcaires et les dolomies massifs du compartiment nord. Ces contacts se traduisent par l’affleurement de sols marneux, humides et fertiles, qui s’étendent pour la faille de Barriac entre La Plagne et Ledénac (en passant par la mare du cimetière de Barriac) ; et pour la faille de Concourès, par la zone déprimée humide, jalonnée de sources et de mares, qui s’étend entre Vaysette et la Vayssière, par Concourès, Bezonnes, Sagnes et Lesclauzades. C’est la raison de l’implantation des riches domaines qui jalonnent ce terroir fertile.

Toutes les zones formées de calcaires et de dolomies (calcaires magnésiens) massifs, très fracturés parce que très rigides, présentent des altérations dites « karstiques », liées à la dissolution des calcaires à partir des diaclase (cassures verticales sans déplacements) qui sont liées à leur rigidité. Ils sont le siège d’importants réseaux hydrauliques souterrains, verticaux comme le gouffre de Barriac et le Tindoul de la Vayssière (situés l’un comme l’autre sur des failles transversales) ; ils communiquent en profondeur avec des cavités horizontales où se rassemble l’eau qui percole à partir de la surface, et qui forme des nappes aquifères au-dessus des niveaux marneux imperméables. Ces nappes aquifères débouchent en surface à la base des entablement massifs, comme à Mas Majou, à Ledénac, à Curlandes, à Séveyrac, à Muret ou à Salle la Source, pour former des sources abondantes. Elles débouchent aussi tout le long de la faille de Concourès (segment d’une très longues faille qui s’étend entre Grioudas et la Vayssière) où elles alimentent les sources et les mares de Concourès, Bancalis, Bezonnes, Sagnes, Lesclauzades…

L’érosion a modelé le relief pour aboutir au paysage actuel, où les assises résistantes forment des zones tabulaires sèches, pierreuses, aux entailles accentuées, tandis que les couches plus tendres forment des à-plats ou des zones déprimées humides, au sol très fertile. Le jeu des failles intervient dans cette morphologie, en particulier à Barriac où le village est installé, dans une position défensive, sur une dorsale résistante restée en relief au nord de la faille, alors que le compartiment sud de celle-ci, initialement plus élevé, est maintenant en dépression : sa partie supérieure massive et résistante a été décapée, et les formations sous-jacentes plus tendres, mises à nu, sont maintenant en dépression.

Comme la présence de l’eau et la nature des sols, la qualité des matériaux de construction est un facteur important de l’implantation des établissements humains . Les carrières de la Devèze (calcaire oolithique bathonien) ont ainsi fourni une excellente pierre de taille que l’on retrouve en abondance dans les bâtis locaux.

La géologie joue donc un grand rôle dans le l’implantation de Barriac, dans son environnement et dans les ressources de son terroir ; comme partout, elle constitue la base de son héritage patrimonial .

 

La faille de Barriac

Les failles sont de grandes cassures qui affectent l’écorce terrestre sur des longueurs qui peuvent être considérables, plusieurs centaines de mètres à plusieurs centaines de kilomètres. Elles sont souvent marquées dans la topographie par un élément plus ou moins linéaire, bief de cours d’eau, talus, dépression ou falaise. Comme elles témoignent d’un déplacement relatif des deux compartiments qui la bordent, et qui peuvent être de nature géologique différente, elles peuvent être marquées aussi par une différence de roche, des sols qui en dérivent, et de la végétation en relation étroite avec ces deux éléments. Exceptionnellement, on peut observer la surface séparant les deux panneaux impliqués par la cassure de la faille, se limitant quelquefois  à un ‘’miroir’’ poli par le frottement des roches d’un compartiment sur celles de l’autre, mais en général beaucoup plus complexe ; ces miroirs peuvent être multiples et en outre, ils sont souvent accompagnés ou remplacés par des zones broyées ou très plissées. Les failles sont liées à des mouvements de grande ampleur de l’écorce terrestre, en relation avec la dynamique de l’histoire  géologique d’un ensemble géographique plus ou moins étendu. Cette dynamique se traduit par des ‘’accidents cassants’’, les failles, et des ‘’accidents souples’’, les plis, en fonction des types de roches qu’ils affectent… Les géologues ont baptisé ces accidents des noms en relation avec le lieu où ils sont bien identifiés…

La ‘’faille de  Barriac’’ représente le prolongement occidental de la ‘’faille des Vignes’’, et constitue un grand accident qui s’étend, sur plus de 50 km,  depuis le Causse du Massegros (partie sud du Causse de Sauveterre) jusqu’à Marcillac, à l’extrémité occidentale du Causse Comtal. Cet accident, d’orientation approximativement est-ouest, affecte donc l’ensemble des ‘’Petits Causses’’, c’est-à-dire le Causse de Séverac et le Causse Comtal, dont l’ensemble constitue le ‘’remplissage‘’ sédimentaire d’une sorte de gouttière de même orientation. Ces dépôts sédimentaires, calcaires principalement, mais aussi marneux et argileux, forment des empilements de couches horizontales déposées dans le bras d’une mer peu profonde, bordée au sud par les reliefs actuels du Ségala et du Levézou, et au nord par ceux de l’Aubrac et de la Chataigneraie. (fig 1,2,3). La faille de Barriac et celle des Vignes qui la prolonge à l’est sont issues de la fragmentation des unités des petits causses lors des compressions liées à la mise en place de la chaine pyrénéenne (vers 40 ma.) sous l’effet de  compressions venant du sud… A  Barriac, cette faille est responsable du ressaut que montre la topographie entre la dépression de la mare et du cimetière (le compartiment sud) et la surface haute sur laquelle se trouvent l’église et le cœur du village (le compartiment nord).  Plus à l’est, cette faille est responsable de la mise en relief du talus du Rougieiras (fig 4,5 ). A l’ouest, la faille jalonne la dépression de Ledénac, et rejoint celle de Cadayrac à travers le causse de Lanhac. Comme elle fait remonter le compartiment sud par rapport au compartiment nord, elle fait affleurer les couches marneuses imperméables sur lesquelles ont pu s’installer les mares de Barriac et de Ledénac. Comme pour la plus grande partie du tracé des failles, le ‘’miroir ‘’ de la faille est invisible à Barriac même, où l’on ne peut inférer son tracé que par la juxtaposition anormale des formations géologiques et surtout par la morphologie de détail du relief. Mais on peut avoir une approche de son style dans la coupe que constitue l’entaille du Gibrou entre Barriac et Bozouls. On y constate que le tracé de la faille, perpendiculaire à celui du ravin, comporte  en fait trois accidents cassants successifs, assortis de plissements et de zones broyées  se succédant sur plusieurs dizaines de mètres. (fig …). Quelques  coupes de cette faille plus à l’est (sur les causse de Séverac et du Massegros ou elle porte le nom de faille des Vignes car elle y est bien visible sur l’entaille du Tarn) montrent que sa réalité est effectivement très complexe  et  que la zone perturbée peut affecter plusieurs dizaines de mètres de largeur.

 

René Mignon, Géologue ex-BRGM