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Comment les gens se soignaient autrefois sur le causse de Barriac

Comment les gens se soignaient autrefois sur le causse de Barriac

Autrefois sur le causse de Barriac comme ailleurs, on ne sollicitait pas beaucoup le médecin , sinon dans les cas les plus graves, et souvent alors trop tard ! On se soignait à l’aide de la pharmacopée et des produits de la nature . « Une pomme éloigne le médecin !» disait-on malicieusement, en ajoutant : « surtout si on le vise bien ! » Une cuillerée d’eau de vie dans un verre, de l’eau bouillante, et le rhume n’y résistait pas, prétendait-on ! Les jours d’hiver on pouvait améliorer le traitement en faisant chauffer une casserole de vin sucré, flambé, puis versé dans le verre sur une rondelle d’orange .

Au quotidien

L’eau de vie entrait dans de nombreuses préparations. Y faire macérer des fleurs de lys était souverain pour soulager brûlures et entailles . Pour les brûlures bénignes et pour calmer les enfants on soufflait simplement sur la peau en disant la formule magique : « Cald se maridet amb bufò ! » ( « Le chaud s’est marié avec le souffle ! » )
Les cataplasmes à la moutarde soulageaient les congestions dues au froid . Certaines maîtresses de maison faisaient rôtir de l’orge à la poêle . L’orge bien chaud était placé dans un petit sac et posé sur les côtes du patient . La graisse de blaireau était censée avoir la même vertu bienfaisante . ( paurò bestiò !)

Pour faire disparaître une verrue, le « guérisseur » disposait un morceau de lard sur celle-ci, avec un mouchoir propre en guise de bandage, et prononçait une incantation mystérieuse du style : « Quand lo lard serà poirit, e que l’auràs oblidat, seràs garit ! « ( « Quand le lard sera pourri et que tu l’auras oublié, tu seras guéri ! » ) . On utilisait aussi le suc de la chélidoine, à la fleur jaune, qui prospère le long des murs, dans les chemins.
Egalement accrochées aux interstices des vieux murs, d’autres plantes, les « poriotèlos » étaient utilisées en tisane diurétique, comme les infusions de queues de cerises .

Le pouvoir des sangsues

Les sangsues avaient une place de choix dans l’arsenal médical pour remplacer les saignées d’un autre temps : on les mettait derrière l’oreille du malade, voire du bien portant, et tout de suite « ça prenait ! » , sans doute parce qu’à cet endroit la peau y est plus fine et sans pilosité . Toutefois, les sangsues repues, il fallait les remplacer . Plus simplement on les faisait « vomir » sur des cendres tièdes, et après, « quand èran torna veni lisos, los tornavem metre al trabalh ! » (« redevenues plates, on les remettait au boulot ! »
Les sangsues passées de mode, dans les années 40/50, place aux ventouses . Trois ventouses sur chaque poumon, dans le dos, pour décongestionner ! Tout l’art consistant à ne pas brûler la peau du malade en plaçant le petit morceau de coton enflammé dans la ventouse pour la vider de son air et lui permettre d’ « aspirer le mal » . A cet effet, la maîtresse de l’école de Barriac, Mme Rigal, initiait les élèves filles, travaux pratiques à l’appui . Chaque élève testant le processus sur sa cuisse à défaut du dos , pendant la leçon de sciences . Elle leur apprenait aussi l’art des pansements . ( et pour varier, mais dans un tout autre domaine, la recette du poulet sauté dans le cadre des cours ménagers ! ) Les objectifs de l’école primaire ont bien changé depuis, autres temps, autres mœurs !

Les « soins » dentaires

On n’allait pas souvent chez le dentiste non plus . Quand une dent ne « voulait pas tomber », on la « contournait » avec un fil « au chinois », très solide. Il n’y avait plus, pour les plus courageux, qu’à tirer d’un coup sec sur le fil, ou à demander à un quidam charitable de bien vouloir officier à sa place.

« Amb un fiòl, la faràs tombar ! »

Pour l’anecdote il faut savoir qu’un dentier ( plutôt rare ), passait parfois d’une bouche à l’autre, après petit rafistolage, lorsque son premier propriétaire, trop âgé, en faisait don ( ou commerce ) à un autre nécessiteux.

Piqures, morsures

Le vinaigre était abondamment utilisé, contre les piqûres de guêpes , voire de frelons . Les morsures de vipère, elles, étaient redoutées . Dans les années 20, un habitant des Escabrins, mordu par une vipère à la vigne, ( il avait été piqué au bout d’un doigt ), sortit aussitôt son couteau de sa poche et n’hésita pas une seconde à trancher largement dans le vif et faire sauter la partie charnue du doigt, « puis il a tourniqué avec le mouchoir et est remonté aux Escabrins ! »
Le docteur de Villecomtal, ( ce n’était pas la porte à côté à une époque où l’on se déplaçait à pied ou en carriole la plupart du temps ) constata quelques heures plus tard que cette méthode radicale avait certainement évité le pire !

Vieilles recettes

Dans un antique carnet de notes des années 1900, retrouvé à Barriac, figurent quelques recettes originales et « bio » avant l’heure, dont l’efficacité reste bien sûr à prouver, surtout au vu des dosages approximatifs ou inexistants les caractérisant . Citons :
Pour guérir les dartres ( croûtes consécutives à diverses maladies de la peau ), on utilisait des onguents à base de racines de « roumegas »,( buissons), ou de « patalafes »,( plantes urticantes à grandes feuilles qu’on trouve dans les bas-fonds ) , ou bien d’autres onguents « avec de l’huile d’olive, un quart de cire neuve (?) de « ginest » ( genêts ) et un peu d’écorces d’oranges amères cuites.» On pouvait aussi frotter la peau avec du jus de cresson ou de trois plantes différentes.
Pour assainir les lieux, on préparait de la charbonille de noisette ,
( il s’agit des coquilles de noisettes qu’on faisait brûler, quand elles étaient rougies on y versait de l’eau dessus pour obtenir un charbon ).
« L’hiver, on en faisait des tas qu’on mettait sur le feu, dans la cheminée, ça s’enflammait instantanément et ça chauffait la pièce d’une bonne chaleur propice aux guérisons », ou encore : « on faisait cuire des herbes « fortes » ( ? ) dans du vin , on en mettait un peu dans une vessie de cochon, et on mettait la vessie sur l’estomac malade ! »

Pèlerinages et cures

Les croyants participaient au pèlerinage à la grotte de Ste Tarcisse et soignaient leurs affections oculaires avec l’eau de la grotte . Citons ce vénérable aïeul qui « avait crevé » un œil dans sa jeunesse et qui, certes incroyant, déclarait tout de go : « Ieu, té crési pas a tot aquó, mas quand i vau, e que lavó los uèlhs, me sembla, que passó coma d’óli ! » ( « Moi, je n’y crois pas à tout ça, mais quand j’y vais et que je lave les yeux, il me semble que je passe comme de l’huile ! » )
Les plus nantis préféraient faire confiance aux eaux de Vittel, pour leurs reins . N’oublions pas que la station thermale fut créée par un aveyronnais, Louis Bouloumié, né à Rodez en 1812, et créateur, pour la petite histoire, du journal « L’Aveyron Républicain » en 1848. Dans certains greniers du causse on en retrouve encore quelques exemplaires ainsi que ce calendrier ( voir photo) de la station, ( où en 1913 officiait un praticien descendant de la famille Bouloumié ), témoin que certains Barriacois y ont séjourné !

Ps : Les « recettes » et pratiques d’autrefois citées dans ce document ( hormis bien sûr les cures à Vittel ) sont le fruit de divers collectages de croyances et usages sur le causse de Barriac d’alors . Elles n’ont qu’une valeur anecdotique, sans valeur scientifique avérée et n’ont pas de prétention exhaustive !….. et n’engagent que la responsabilité de ceux, ou celles, qui seraient tentés de les reproduire !

Collectages : Alain Féral , avec l’aide d’anciens du causse de Barriac. Photos : -La Chélidoine, » l’herbe à verrues », et 2 pages du carnet de curiste d’un Barriacois à Vittel en 1913.